Animation Biblique en Région Centre-Alpes-Rhône
 dossier proposé pour l'année 2022-2023
commenté étape après étape
 si vous désirez obtenir l'ensemble de ce dossier soit sous la forme d'un tirage papier, soit comme dossier numérique (format pdf) merci d'en faire la demande à jean-pierre.sternberger@protestants.og
 
 
l'étape 5 du parcours (mise en ligne le 18 décembre 2022) est accessible après l'introduction historique 
vous pouvez poster  vos réactions, vos question en commentaire ci-dessous. 
prochaine visio-conférence sur la 6ème étape de ce parcours : le 27 janvier 2023 19h30 
le lien est envoyé sur demande à l'adresse jean-pierre.sternberger@protestants.org




pourquoi avoir choisi de le nommer IÉsaïe ?

  Il y a quelques années à Jérusalem, un archéologue trouvait parmi plus d’une trentaine d’autres traces de sceaux un tout petit morceau rond d’argile mesurant seulement 1 cm. Cette empreinte vieille de 2700 ans avait été perdue à l’Ophel, au sud du Mont du Temple (Esplanade des mosquées) à Jérusalem-Est, à trois mètres d’un autre sceau reconnu comme ayant appartenu au roi Ezéchias, roi de Juda vers la fin du VIIIème siècle av. J.-C., un roi contemporain des prophètes Michée et IÉsaïe.

Le sceau laisse clairement apparaître dans une ancienne écriture hébraïque le nom “Yesha’yah” (le nom hébreu d’IÉsaïe), suivi des lettres hébreues “ n v y ” ou “ n b y ”. Ces dernières pourraient correspondre soit à un nom de famille, soit au début du mot “ n b y ’ ” qui signifie “prophète”. Malheureusement, l’empreinte du sceau est brisée… Était-ce là la signature du prophète ?

(d‘après le site internet www.Terresainte.net on trouvera une discussion plus approfondie concernant cette découverte à l’adresse https://www.archeobiblion.fr/un-sceau-du-prophete-isaie/)

)


En hébreu, le prophète s’appelle Yesha’yah. Dans la traduction grecque des Septante ce nom a été transcrit Esaias, puis Isaia dans la traduction en latin de la Vulgate. De là vient le nom d’Isaïe retenue dans la tradition catholique francophone quand les protestants ont préféré transcrire Ésaïe. Dans ce dossier, nous proposons de le nommer IÉsaïe, à la fois plus proche de l’original hébreu et à mi-chemin des deux traditions de lecture…

Ce dossier a été préparé par l’équipe biblique de l’Église Protestante Unie de France en région Centre-Alpes-Rhône. Elle est composée de Anne-Noëlle Clément, Jean-Claude Chambas, Emmanuel Corréia, Françoise Mesi, et Jean-Pierre Sternberger. Vous trouverez dans ces pages des documents vous permettant d’aborder en groupe dix textes tirés de livre d’IÉsaïe : les textes proposés bien sur puis un aperçu de documents archéologiques contemporains de la date supposée du texte, un texte théologique, un texte de prière ou un poème et un dessin. Tous ces éléments sont à appréhender comme autant de regards différents ou de lectures avec lesquelles on peut entrer en dialogue après avoir lu et interrogé le texte biblique. 
Ce dossier sera progressivement actualisé et disponible sur le site bible-en-car.fr .

Bonne lecture à toutes et tous !


1-


Introduction historique


La lecture du titre du livre d’IEsaïe (1,1) nous apprend que le prophète est fils d’Amotz et qu’il a vécu dans le royaume de Juda, à Jérusalem, aux jours des rois de Juda Ozias, Yotam, Achaz et Ezéchias, rois de Juda. Il serait donc né vers 760 et aurait exercé son « ministère » de prophète entre 734 et 701 avant notre ère

Dans quel contexte historique ?

Rappelons qu’il existe à cette époque (= au début de la 2ème partie du VIIIème siècle, le Royaume d'Israël sera incorporé à l'empire assyrien après 720) deux pays qui revendiquent l’héritage de l’histoire d’Abraham, Jacob, Moïse ou David : au nord, autour de la ville de Samarie, le Royaume d’Israël et au sud celui, plus petit, de Juda avec Jérusalem comme capitale. À la suite de l’arrivée au pouvoir en Assyrie de Tiglatphalazar III (il règne entre 744 et 727), le roi du Royaume du Nord, Israël, verse un tribut à l’Assyrie et reconnaît son roi comme suzerain. Mais vers 735 son successeur, Pegah, forme une coalition avec le Royaume araméen dont la capitale est Damas contre l’Assyrie. Les coalisés cherchent à convaincre Achaz le roi du sud (Juda) de se joindre à eux, mais celui-ci refuse. Israël et Aram déclarent la guerre au royaume de Juda. C’est la guerre appelée “syro-éphraïmite” selon une expression qui remonterait à Martin Luther (Syro pour la Syrie, pays des Araméens, Ephraïm pour Israël dont Ephraïm est la plus puissante des tribus). Pour se défendre, le roi Achaz de Jérusalem devient vassal de l’Assyrie et verse un tribut. Tiglatphalazar intervient contre Damas et conquiert le Royaume d’Aram. 

 


Selon IEsaïe 7, 1-17, le prophète IEsaïe avait invité le roi Achaz à faire confiance à Yhwh plutôt qu’aux assyriens, mais il n’a pas été écouté… le prophète semble s’être retiré, de gré ou de force, de la vie publique pendant une dizaine d’années.


Dès 732 une partie du royaume du Nord, Israël, passe sous administration assyrienne. Osée, le roi d’Israël cherche à échapper à cette vassalité mais Salmanazar V, nouveau roi d’Assyrie le fait arrêter, envahit Israël et prend sa capitale Samarie. Son successeur Sargon II aurait déporté la population de Samarie (27280 personnes d’après les textes assyriens).

De son côté, le roi de Juda, Achaz, se soumet à Sargon II. Dans sa capitale, Jérusalem, de nombreux réfugiés du royaume d’Israël viennent s’installer. Ils amènent avec eux leurs traditions religieuses ainsi certainement que des manuscrits qui vont être recopiés. Plusieurs d’entre eux feront un jour partie de la Bible. Se pose alors la question de savoir quelle attitude adopter pour éviter à Jérusalem le désastre de Samarie. Achaz associe son fils Ezéchias au trône. IEsaïe voit dans ce jeune souverain une source d’espérance.

Vers 716 Ezéchias monte sur le trône de son père. Par rapport à ce dernier, il change alors d’attitude à l’égard de l’Assyrie et entreprend des travaux importants pour préparer Jérusalem à subir un siège (fortification des murailles, creusement d’un tunnel pour l’alimentation en eau de la ville).


vue de l’intérieur du tunnel d’Ezéchias

au niveau de la source du Guihon

 

 

inscription en hébreu trouvée au débouché du tunnel qui raconte comment les ouvriers  ont pu tailler cet ouvrage dans le rocher



À la mort de Sargon, son fils Sennachérib lui succède.


Finalement, le royaume de Juda se retrouve seul face à l’armée assyrienne qui envahit le pays. Sénnachérib s’empare de 46 places fortes et aurait fait 200150 prisonniers (d’après les archives assyriennes).



Dessin de la prise de Lakish au sud ouest de Jérusalem d’après un bas-relief assyrien exposé au British Museum de Londres. On voit les assaillants assyriens et les défenseurs judéens, ainsi que les premiers prisonniers qui fuient la cité (palais sud-ouest de Ninive ville moderne de Mossoul en Irak actuellement exposé au British Museum de Londres)

En 701, le roi assyrien Sennacherib met le siège devant Jérusalem, mais doit abandonner. Les archives assyriennes confirment que la ville n’a pas pu être conquise, ce qui a donné lieu à plusieurs interprétations.

Si le livre d’IEsaïe y voit le résultat de l’intervention du Seigneur, l’historien juif Flavius Josèphe qui écrit au premier siècle de notre ère (soit 700 ans après les faits) évoque une épidémie de peste qui aurait décimée l’armée assyrienne. Autre hypothèse (défendue notamment par l’exégète Jacques Briend) : le roi de Juda a dû accepter de verser un lourd tribut et de reconnaître ainsi la suzeraineté assyrienne…

Dans le même temps, selon IEsaïe 39, le roi de Babylone Mérodach-Baladan, ennemi des Assyriens, envoie une ambassade auprès d’Ezéchias. Il souhaite faire de Juda un allié. Ezéchias cherche d’autre part à conclure une d’alliance avec l'Égypte. IEsaïe s’oppose à cette politique ( IEsaïe 28, 14-18). Il annonce l’invasion par les Babyloniens de son pays, invasion qui aura lieu un siècle plus tard…

C’est à peu près de cette période que datent les derniers épisodes rapportés dans le livre d’IÉsaïe concernant ce prophète aux chapitres 1 à 39.


Avec le chapitre 40, nous sommes plongés dans un autre contexte historique, celui du début de l’hégémonie perse qui s’ouvre vers 530 avant notre ère. Entre temps les Assyriens ont été vaincus par les Babyloniens qui avec Nabukadnetsar (le Nabochodonosor des historiens grecs) vont à deux reprises, en 596 et 587 prendre Jérusalem, la détruire et en déporter les habitants. Les prophètes Ézéchiel et Jérémie en seront les témoins directs, le premier étant déporté à Babylone, le second exilé en Égypte.

À partir de 538 l’édit du roi perse Cyrus dont le nom apparaît en IÉsaïe 44,28 permet aux exilés du Royaume de Juda de revenir à Jérusalem et de commencer à reconstruire la ville et son temple.

On ignore le nom du ou des prophètes qui s’expriment dans la deuxième partie du livre d’IÉsaïe : chapitres 40 à 55 (appelé parfois le Deutéro-Ésaïe / Deutéro-Isaïe) puis 56-66 (Trito-Ésaïe ou Trito-Isaïe). Il est assez difficile de dater ces textes dont la rédaction puis l’édition en un seul livre prendra encore plusieurs dizaines d’années.

Le plus ancien manuscrit du livre trouvé parmi les rouleaux de Qoumran (“les manuscrits de la Mer Morte) daterait selon les épigraphistes du deuxième siècle avant notre ère.



Et pour aller plus loin, on pourra consulter :


-Jacques Briend, Le royaume de Juda face à l’Assyrie, coll. Le monde de la bible, Folio, Gallimard.1998.

- M. Liverani, la bible et l’invention de l’histoire, Bayard 2008

- Joëlle Ferry, Isaïe « comme les mots d’un livre scellé », Lectio Divina, Cerf, Paris 2008

- Anne-Marie Pelletier, le livre d’Isaïe. Une histoire aux prises avec la prophétie. Cerf, Paris 2008.

- Jacques Vermeleyn. Le livre d’Isaïe. Une cathédrale littéraire. Cerf, Paris 2014

- Jean-Daniel - Macchi, Christophe Nihan, Thomas Römer, Ian Rückl (éd.) , Les recueils prophétiques de la Bible. Origines, milieux, et contexte proche-oriental, Labor et Fides, (Genève, 2012) :

Jacques Vermeylen, Des rédactions deutéronomistes dans le livre d'Ésaïe ? p. 146-187

Jean-Daniel macchi, Deutéro-Esaïe : enjeux et recherche, p. 188-200

Christophe Nihan, L'histoire rédactionnelle du "Trito-Esaïe" un essai de synthèse, p. 201-228

Jean-Daniel Macchi et Christophe Nihan, Esaïe 54-55, 229-251


- Cahier Evangile n° 23., éditions du Cerf

- Revue Biblia n°22, Éditions du Cerf

 

5ème étape IÉsaïe 7,1-22


Ce récit renvoie au temps du roi Achaz et de la guerre syro-éphraïmite (voir introduction historique). Les royaumes d’Israël (appelé aussi ici Ephraïm et dont le roi est alors Péquah) et d’Aram (capitale : Damas avec son roi Retsîn) se sont alliés pour résister aux Assyriens. Ils veulent obliger le roi Achaz de Jérusalem à se joindre à eux et, pour cela, lui déclarent la guerre. On peut se référer au tableau suivant pour situer les différents protagonistes de cet épisode :


rois de Juda

rois d’Israël

rois de Damas (Aaram)

781-740 Azarias



740-735 Yotam


735-728 Akhaz


728-701 Ezékias

d’abord

à partir de

716 : vice-roi puis roi

701 siège de Jérusalem

687-642 Manassé

787-757 Jéroboam II

757-746 Zacharie

746-736 Menahem



736 Peqah (yah)

732-722 Osée


721 prise de Samarie par les Assyriens / déportation

796-792 Ben Hadda III





Retzin / Raçon

732 invasion assyrienne

déportation


texte biblique (d'après la Nouvelle Bible Segond)

1 Aux jours d'Achaz, fils de Jotam, fils d'Ozias, roi de Juda, Retsîn, roi d'Aram, alla faire la guerre à Jérusalem avec Péqah, fils de Remalia, roi d'Israël, mais il ne put engager le combat contre elle. 2 On dit à la maison de David : “Aram occupe Ephraïm.”

Le cœur d'Achaz et le cœur de son peuple se mirent à frémir comme les arbres de la forêt sous le vent.

3 Alors le SEIGNEUR dit à IÉsaïe : “ Sors, je te prie, à la rencontre d'Achaz, toi et Shéar-Yashoub, ton fils, vers l'extrémité de l'aqueduc du réservoir supérieur, sur la route du Champ du Teinturier.

4 Tu lui diras : « Sois tranquille, n'aie pas peur, que ton cœur ne mollisse pas devant ces deux bouts de tisons fumants, devant la colère ardente de Retsîn, d'Aram et du fils de Remalia ! Puisque Aram – avec Ephraïm et le fils de Remalia – projette de te faire du mal, en disant : « Partons à l'attaque de Juda, nous épouvanterons la ville, nous la battrons en brèche jusqu'à ce qu'elle se rende, et nous installerons un roi au milieu d'elle, le fils de Tabéel  », 7 ainsi parle le Seigneur DIEU : Cela ne tiendra pas, cela n'aura pas lieu. 8 Car la tête d'Aram, c'est Damas, et la tête de Damas, c'est Retsîn. – Encore soixante-cinq ans, Ephraïm, brisé, ne sera plus un peuple. – La tête d'Ephraïm, c'est Samarie, et la tête de Samarie, c'est le fils de Remalia. Si vous n'avez pas foi, vous ne tiendrez pas ! »”

10 Le SEIGNEUR dit encore à Achaz : 11 “ Demande un signe au SEIGNEUR, ton Dieu, n’importe où, que ce soit dans les profondeurs du séjour des morts ou dans les lieux les plus élevés.”

12 Achaz répondit : “ Je ne demanderai rien, je ne provoquerai pas le SEIGNEUR. ”

13 IÉsaïe dit alors : “ Écoutez, je vous prie, maison de David ! Ne vous suffit-il pas de lasser la patience des hommes, que vous fatiguiez encore celle de mon Dieu ? 14 C'est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : la jeune fille est enceinte, elle mettra au monde un fils et l'appellera du nom d'Emmanuel (en hébreu : “Dieu avec nous”). 15 Il se nourrira de lait fermenté et de miel quand il saura rejeter ce qui est mauvais et choisir ce qui est bon. 16 Mais avant que l'enfant sache rejeter ce qui est mauvais et choisir ce qui est bon, la terre des deux rois qui t'épouvantent sera abandonnée. 17 Le SEIGNEUR fera venir sur toi, sur ton peuple et sur ta famille, des jours tels qu'il n'y en a pas eu depuis le jour où Ephraïm s'est éloigné de Juda – le roi d'Assyrie.

18 En ce jour-là, le SEIGNEUR sifflera les mouches qui sont aux extrémités des bras du Nil, en Égypte, et les abeilles qui sont en Assyrie; 19 elles viendront et se poseront toutes dans les pentes abruptes des oueds et dans les fentes des rochers, sur tous les buissons et sur tous les pâturages.

20 En ce jour-là, le Seigneur rasera avec un rasoir loué au-delà du Fleuve – avec le roi d'Assyrie –la tête et le poil des jambes; il enlèvera aussi la barbe.

21 En ce jour-là, chacun aura une génisse pour tout gros bétail et deux têtes de petit bétail. 22 Il y aura une telle abondance de lait qu'on se nourrira de yaourt; oui, c'est de yaourt et de miel que se nourrira quiconque sera resté dans le pays…”


(d’après la Nouvelle version Segond)


Cette histoire nous rappelle le récit lu lors de notre 2ème étape à propos du roi Ézéchias. En fait Ézéchias est le successeur d’Achaz et c’est son histoire qui, dans le livre d’IÉsaïe fait écho à celle d’Achaz. Comment vous apparaissent ces deux rois ?

l’histoire du roi Akhaz nous est aussi rapportée en 2 Rois 16 où il n’est pas question de l’intervention du prophète IÉsaïe. Akhaz y est présenté comme un roi qui ne suit pas l’enseignement du SEIGNEUR, allant jusqu’à sacrifier son propre fils. Sous la pression des royaumes araméens et édomites, il finit par s’allier avec les Assyriens qui s’emparent de Damas. Sur le plan religieux Akhaz est aussi accusé d’avoir ordonné de placer dans le temple de Jérusalem un temple copié sur un modèle araméen et d’avoir lui-même offert des sacrifice sur cet autel. Si on compare les deux récits d’IÉsaïe 7 et 2 Rois 16, on peut en tirer la conclusion que le roi n’a pas tenu compte des avertissements du prophète. Placé dans une situation similaire, Ezéchias va au contraire s’humilier et rechercher la parole du prophète.


Comparez les deux signes qui leur sont donnés. Qu’en pensez-vous ?

Le signe donné à Achaz n’est pas n’importe quel prodige. Comment l’interprétez-vous ?

Pour comprendre le discours d’IÉsaïe et en quoi consiste le signe qu’il propose — le texte (v. 10) suggère même que c’est le SEIGNEUR lui même qui s’adresse au roi mais on peut penser qu’il le fait par l’intermédiaire du prophète — on peut se reporter au chapitre suivant (IÉsaïe 8,1-4) où le prophète semble reprendre la même démarche pédagogique. Dans les deux cas, il annonce la proche naissance d’un enfant et ajoute un heureux dénouement pour le pays qui coïncidera avec le temps où l’enfant aura atteint l’âge de raison (IÉsaïe 7) ou quand il saura parler (IÉsaïe 8). En fait, il n’y apas vraiment de « prodige » sans ce qu’annonce le prophète si ce n’est qu’il promet la paix dans un moment particulièrement critique pour son pays. Pour ce qui est d’IÉsaïe 7, le terme hébreu qui désigne la future maman peut se traduire par « jeune fille » ou « jeune femme ». On ignore qui elle est et plusieurs hypothèses ont été avancées à son sujet : princesse, épouse ou concubine du roi voire prophétesse en IÉsaïe 8 … ? Le signe réside moins dans sa grossesse annoncée que dans le fit que, quand l’enfant aura 8 ou 9 ans, les deux états qui menacent le pays de Juda ne seront plus. Si on situe cette histoire dans les années 736-735 avant notre ère, ce signe s’est effectivement accompli puisque le Royaume de Damas a été envahi en 732 par les Assyriens comme l’Israël de Samarie en 721.

En ce sens le signe donné à Ézéchias est tout autre mais il concerne aussi une personnalité très différente qu’Akhaz. Ce qui relie toutefois les deux histoires peut être mis en relation avec la vie. Ce qui fait signe pour les croyants de l’époque d’Akhaz, c’est déjà que dans la situation très tendue qu’ils sont en train de vivre (guerre contre Aram et Israël et menace de guerre contre l’empire assyrien), Dieu donne vie à des enfants à qui est promis la paix. Il est, selon le nom donné au bébé à naître en IÉsaëi 7, avec nous, non pas pour entériner tout ce que nous entreprendrons mais pour nous accompagner sur les bons ou mauvais chemins que allons prendre.


Ce texte est surtout célèbre parce que les chrétiens y ont vu l’annonce de la naissance de Jésus (voir Matthieu 1,22-23). Mais quel rôle jour l’annonce de la naissance d’Emmanuel dans le message du prophète IÉsaïe ? Comment comprenez-vous la notion d’accomplissement des Écritures ?


Comme Luc, Matthieu dans les premières pages de son évangile veut affirmer que Jésus est Fils de Dieu. De là l’insistance de ces deux évangélistes sur la virginité de Marie qui n’est pas enceinte d’avoir eu une relation sexuelle avec Joseph mais à la suite de l’intervention du Saint Esprit. Pour transmettre cette mise en récit de la vérité théologique de la divinité de Jésus, Luc raconte la visite de l’ange à Marie et l’intervention de Dieu d’abord en vue de la naissance de Jean Baptiste puis de celle de Jésus. De son côté Matthieu raconte la même histoire mais du point de vue de Joseph. Et pur convaincre Joseph et son lecteur, Matthieu fait intervenir trois intermédiaires ou canaux auquel le croyant juif est habitué lorsqu’il s’agit de communication divine : le songe (ou rêve), l’ange et la Bible. Dans un rêve, Joseph, qui sait que Marie est enceinte, voit venir à lui un ange qui lui demande de prendre Marie avec lui. Dans la Bible Dieu parfois parle aux rois (Pharaon dans l’histoire de Joseph, fils de jacob, Salomon, ou les rois de Babylone et de Perse contemporains de Daniel). Or la longue généalogie par laquelle Matthieu ouvre son évangile est là pour attester que Joseph est un descendant de David; il appartient à la lignée des rois de Jérusalem. Pour être plus convaincant auprès de son lecteur, Matthieu ajoute au rêve et à l’ange, une troisième manière pour Dieu de parler aux humains : la Bible. Il va dont tirer du texte d’IÉsaïe le verset 14 de notre texte qui, lu dans la traduction grecque, peut avoir pour sens que « la vierge aura un fils ». De cette manière, il confère au texte biblique et à l’épisode d’IÉsaïe 7 un sens que nul n’avait soupçonné jusqu’alors : il annonce la naissance de Jésus, fils de Marie et fils de Dieu.



Ces petites statuettes en terre cuite sont conservées au musée du Louvre pour celle du haut et au musée national archéologique d’Athènes pour celles du bas. Elles proviennent vraisemblablement toutes de Chypre. On peut en voir de semblables au musée de Nicosie ainsi qu’au musée Bible et Orient de l’université de Fribourg (Suisse). Les datations en ce qui les concerne sont peu précises, allant du VIIIème siècle au IVème siècle avant notre ère. On peut y voir deux femmes : la première debout soutient et ceinture de ses bras la seconde, qui est assise à même le sol. La femme assise (en haut) ou debout (en bas) est certainement en train d’accoucher, encouragée dans ses efforts par celle qui se tient derrière elle, tandis qu’une autre femme, sans doute la sage-femme, devait se tenir en face d’elles, prête à recevoir le nouveau-né.

On suppose qu’il s’agit d’ex-voto, dédiés à une déesse protectrice des femmes enceintes, à une époque où de nombreuses femmes mourraient en couches.



Pour aller plus loin (si on lit l’allemand) :

Othmar Keel – Silvia Schroer, Eva — Mutter alles Lebendigen, Frauen- und Göttinnenidole aus des Alten Orient, Presses académiques de Fribourg CH, 2004, p. 214-215



une réflexion théologique :


Parce qu’elle représente le point suprême dans la lignée de ceux qui ont reçu la Promesse et attendent le Seigneur, Marie appartient à l’humanité, elle représente l’être humain en face de Dieu, l’être humain qui a besoin de la grâce et qui reçoit la grâce. Et cet être, même si la promesse qu’il a reçue a un caractère unique, manifeste clairement que recevoir la Promesse signifie d’abord : être humain. C’est à dire : croire, être dépendant, penser dans la foi, agir dans la foi. S’il est quelqu’un qui soit des nôtres, tout proche, impliqué au plus profond de la misère humaine et de la Promesse divine, c’est bien Marie que l’ange de Dieu vient visiter chez elle et appelle à la place extraordinaire que Dieu lui fait la grâce d’occuper. Cette place extraordinaire, c’est précisément la preuve qu’il n’y a pas de surhumanité, qu’il n’existe aucune possibilité humaine de devenir divin, aucune aptitude chez l’homme à se faire médiateur entre Dieu et lui.


Karl Barth, Avent, Éditions Roulet, Genève 1948



dessin d’Ivan Steiger





un poème


Une heure du matin

la nappe est en toile bleue

Et nos livres y sont posés

Souriants, sincères, courageux

Je suis revenu de ma captivité,

ma belle

de la tourelle

de mon ennemi

dans mon propre pays.

Il est une heure du matin.

Nous n’avons pas éteint la lampe

Ma femme est couchée à côté de moi

Elle est à son cinquième mois

Et quand ma chair frôle sa chair

Quand je pose ma main sur son ventre

Le bébé tourne et retourne

Ainsi la feuille sur la branche

le poisson dans l’eau

l’enfant de l’homme en la matrice

Mon petit

La premier chandail de mon petit

de laine rose

Sa mère l’a tricoté.

Le corps, un empan de mon poing

Et les bras – c’est grand comme ça !

Mon petit,

Si c’est une fille

Je veux de pied en cape qu’il ressemble à sa mère

Si c’est un garçon

Que sa taille soit pareille à la mienne

Si c’est une fille

Qu’il regarde avec des yeux couleur de noisette

Si c’est un garçon

Que son regard soit immensément bleu


Mon petit

Je ne veux pas qu’on le tue à vingt ans

Si c’est un garçon sur le front

Si c’est une fille

En pleine nuit dans les abris

Mon petit

Qu’il soit fille ou garçon

À n’importe quel âge

Je ne veux pas qu’on l’emmène en prison

Parce qu’il est pour la beauté, la justice et la paix

Mais il est clair

Mon fils ou ma fille

Que si le jour tarde

tu vas te battre

et même…

C’est un dur métier, chez nous, de nos jours

que celui de père

Il est une heure du matin

Nous n’avons pas éteint la lampe

Peut-être que dans un moment,

À l’aube, peut être

Ma maison va être forcée

On m’arrêtera, on m’emmènera

avec mes livres

Les flics de la police politique à mes côtés

Je me retournerai et je regarderai

Ma femme restera sur le pas de la porte

Et dans son ventre plein et lourd

Le bébé tournera et se retournera


Nazim Hikmet

poète turc

souvent emprisonné pour ses écrits

1901-1963


***

4ème étape- IÉsaïe 6


Traditionnellement appelé « vocation d’Isaïe », ce chapitre ne se trouve pas au début du livre. IÉsaïe aurait donc commencé à parler en prophète avant sa vocation ! Comme le signale le titre du livre en IÉsaïe 1,1 Ozias est vivant quand le prophète commence à s’exprimer. En IÉsaïe 6,1 on nous annonce qu’il est mort. La “ vocation” d’IÉsaïe a eu lieu alors que le prophète était déjà en action. Comme pour chacun d’entre nous et comme le dit le proverbe « c’est en forgeant qu’on devient forgeron ».


1 L'année de la mort du roi Ozias, j'ai vu le SEIGNEUR assis sur un trône très élevé. Le bas de son vêtement remplissait le palais.

2 Des seraphim se tenaient au-dessus de lui; ils avaient chacun six ailes : deux dont ils se couvraient la face, deux dont ils se couvraient les pieds, et deux avec lesquelles ils volaient. 3 Ils s'appelaient l'un l'autre et disaient : “ Saint, saint, saint est le SEIGNEUR des multitudes ! Toute la terre est remplie de sa gloire ! ”

4 Les soubassements des seuils frémissaient à la voix de celui qui appelait, et la Maison se remplit de fumée.

5 Alors je dis : “ Malheur à moi car je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j'habite au milieu d'un peuple aux lèvres impures, et c'est le Roi, le SEIGNEUR des Multitudes, que mes yeux l’ont vu ! ”

6 Mais l'un des seraphim vola vers moi, avec à la main une braise prise avec des pincettes sur l'autel .7 Il toucha ma bouche et dit : “ Voici : ceci a touché tes lèvres ta faute est enlevée, ton péché est couvert. ”

8 J'entendis la voix du SEIGNEUR qui disait : “ Qui enverrai-je ? Qui ira pour nous ? ”

Je dis : “ Me voici, envoie-moi ! ”

9 Il dit “ Va ! Tu diras à ce peuple : «  Écoutez toujours, mais ne comprenez pas ! Regardez toujours, mais ignorez tout ! » 10 Engraisse le cœur de ce peuple, alourdis ses oreilles et colle lui les yeux, de peur qu'il ne voie de ses yeux, que, de ses oreilles, il n 'entende, que son cœur ne comprenne, qu'il ne revienne et ne soit guéri. ”

11 Je dis : “ Jusqu'à quand, Seigneur ? ” Il dit : “ Jusqu’à ce que soient dévastées les villes faute d’habitants les maisons faute d’êtres humains et que le sol [soit] dévasté.” 12 Le SEIGNEUR éloignera l’être humain si bien que le pays sera totalement déserté. 13 Si une petite partie s’en sort, elle retournera au feu comme chênes et térébinthes qui gardent leurs troncs. Sa souche est une semence sacrée.

***

on peut lire ce texte comme formé d'une description d'une vision suivie l'action d'un seraphim  (sur ce mot, voir plus bas) et un dialogue entre le prophète et son SEIGNEUR. La scène se déroule dans la Maison dont on apprend que le soubassement des seuils s'est mis à trembler (verset 4) 

on peut envisager ce texte selon plusieurs point de vue.

on peut y voir un récit intime d’un homme qui a fait la rencontre qui a changé sa vie. La description qu’il donne ou paraît donner de la divinité est ancrée dans la culture spécifique de son temps, d’où l’image des seraphim, ces cobras sacrés qui ornent la couronne des rois d’Égypte et dont on retrouve l’image sur des sceaux de l’époque du prophète en Judée. Maissi’il s’agit d’un récit intime, comme la page d’un journal tenu par JÉsaïe lui-même et pour lui-même, on peut être choqué voir scandalisé par le demande que lui fait YHWH lui même de masquer à son peuple la réalité jusqu’à ce que s’accomplisse la destruction du Royaume.

On peut y voir aussi le récit que le prophète IÉsaïe transmet à son peuple de sa vocation. Le prophète n’est pas comme le prêtre et le roi dont la charge se transmet de père en fils. Le roi comme le prêtre y trouvent leur légitimité. Ils sont rois parce que fils de roi, prêtre parce que fils de prêtre. Tel n’est pas le cas du prophète qui doit faire valoir l’appel que Dieu lui a adressé et qui seul construit sa légitimité. Or souvent, et c’est le cas pour IÉsaïe, le prophète doit tenir un discours critique, difficile à entendre. Les prophètes sont souvent des prophètes de malheur. Or que dit IÉsaïe de l’appel que Dieu lui a lancé sinon qu’il est paradoxal : ne rien révéler, boucher les oreilles et les yeux, de peur que le peuple ne se convertisse, qu’il ne change et soit sauvé. Ce sont là des véritables injonctions paradoxales au même titre que « sois spontané ! » ou « pas de panique ! ». Elles disent le contraire de ce qu’elles sont destinées à produire dans l’esprit des auditeurs.  

On peut enfin y voir, dans l’optique de l’ensemble du rouleau du prophète IÉsaïe comme l’itinéraire qui sera celui du peuple de Juda qui, refusant les messages de ses prophètes, prendra le chemin qui le conduira à la catastrophe de la destruction du tempe et de l’exil à Babylone. Mais par delà cet incendie, il sera comme la souche d’un arbre calciné qui finit par reverdir à nouveau, un thème que nous retrouverons lorsqu’il s’agira de lire les oracles du prophète anonyme écrivant à l’époque de Cyrus le perse et que nous retrouverons à partir d’IÉsaïe 40 …


Classez les mots qui vous semblent les plus significatifs selon qu’ils évoquent une connotation religieuse ou une connotation séculière et politique. Que tirez-vous de cette lecture ?Ne pourrait-on dire que le récit semble se dérouler à mi-chemin entre les univers de la religion et du pouvoir ?

connotations religieuses : seraphim, saint, impur, autel, péché, le SEIGNEUR

connotation politiques : trône, palais, terre, gloire, Roi, peuple,

l’histoire se déroule l’année de la mort du roi Ozias dont on nous dit (2 Chroniques 26) qu’il a voulu offrir de l’encens dans le temple, ce qui est le rôle d’un prêtre et non celui d’un roi. À la suite de cette tentative, on nous rapporte aussi que le roi fut frappé par la lèpre et que, devenu impur, il a dû se retirer, laissant la place à son fils qui lui succéda. C’est donc déjà dans l’histoire de ce roi que s’enracine la confusion entre le sacré et le profane.


Un même terme est traduit tantôt par « temple » tantôt par « palais » dans le texte biblique. Il est construit à partir d’un terme en lien avec le pouvoir, la capacité. Pour éviter de se tromper, nous pourrions traduire ce mot par « le lieu du pouvoir ». En France, aujourd’hui, nous avons le privilège de pouvoir dissocier le lieu de pouvoir religieux (le temple) et le lieu de pouvoir séculier (le palais). Et dans notre texte qu’en est-il ?

Selon vous, avons-nous à faire à uniquement du religieux, uniquement du séculier ou un mélange des deux ?

Ainsi le Seigneur présenté dans ce texte exerce t-il son pouvoir uniquement sur le religieux, le politique ou sur les deux ?

Un des apports du prophétisme consiste justement à amorcer un découplage entre le religieux et le politique. Le prophète porte une parole de critique du pouvoir politique au nom de l’exigence éthique et religieuse exprimée dans la Thora. Le prophète n’a pas vocation à assumer le pouvoir politique ou religieux mais sa vocation religieuse lui permet un regard critique et une liberté à laquelle ne sauraient prétendre les simples sujets du roi.

Dans le même temps, il amène une espérance qui va au delà de e qu’entrevoient militaires et politiques. Le texte par de l’idée de la sainteté de Dieu (saint, saint , saint est le Seigneur) pour déboucher sur la sainteté de la souche qui a traversé l’incendie et reprend vie au delà de l’exil annoncé.


 ****


Détail d’une fresque décorant le linteau au dessus du passage menant à la chambre funéraire la tombe du prince royal Amonherkhepeshef, fils aîné du pharaon égyptien Ramses III (vers 1150 avant notre ère) . On l’interprète comme la représentation d’une déesse (Ouadjet ou Nekhbet) sous l’apparence d’un cobra ailé assurant la protection des noms royaux inscrits tout à côté (cartouche).

En hébreu le cobra se dit Saraf (pluriel sarafîm d’où le nom “ séraphim”. Ce nom désigne aussi bien les serpents dont sont victimes les hébreux dans le désert selon Nombres 21,6-9 que les créatures aperçues par IÉsaïe dans le temple de Jérusalem. Ce type d’image d’origine égyptienne est souvent reproduite sur des sceaux trouvés dans le royaume de Juda à l’époque du prophète IÉsaïe et dont certains sont reproduits ci-dessous.

Le sceau en haut à gauche appartenait à un ministre du roi Achaz. On y distingue (en haut) le disque solaire flanqué de deux cobras tournés vers l’extérieur. Le disque solaire pourrait être une allusion au cadran introduit par le roi Achaz à Jérusalem (2 Rois 20,11 // IÉsaïe 38,8). À droite de ce premier sceau et en bas au centre deux sceaux trouvés à Lakisch. On y voit le cobra dans une attitude protectrice. Le sceau en bas à droite appartenait à un homonyme du prophète Jérémie. Il provient du marché des antiquités (fouilles clandestines)




Dans notre imaginaire occidental, le terme “ séraphim ” renvoie au monde des anges, un mot lié à l’enfance et à la gentillesse. Que pensez-vous des séraphim du texte biblique ? Que signifie leur présence autour du trône du SEIGNEUR ?








Un texte théologique


L’absence de spéculation sur l’au-delà, sur le monde des morts et sur l’au-dedans, sur le monde de l’âme, différencie profondément la foi et l’anthropologie d’Israël des diverses religions qui l’entourent. Dieu ne peut être rencontré que dans la réalité de cette terre. S’éloigner d’elle, c’est se trouver hors de son atteinte. D’où l’insistance étonnante, fort peu méta-physique, ni méta-corporelle, de l’Ancien Testament sur la terre, le pays, la descendance, la vie. Le croyant aspire de toutes ses forces à y demeurer non qu’il fasse d’elles des idoles soit nationalistes, soit racistes, soit vitalistes, mais parce qu’en elles et en elles seulement, sa foi cherche et trouve le Dieu vivant. En Israël et à la différence semble-t-il, des genèses des autres religions, Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants. Dieu n’est pas dans l’au delà de la terre, mais au milieu de son ici-bas. En vérité, il n’appartient ni à la transcendance de cet au-delà, ni à l’immanence de cet ici-bas. Il est appelé créateur de l’une comme de l’autre, du ciel comme de la terre, qui ne sauraient, aucun des deux le contenir. Mais en se déclarant partenaire et allié de l’homme — non des hiérarchies célestes, ni des puissances cosmiques — Dieu choisit de privilégier dans la liberté de son amour l’ici-bas et en son milieu l’homme, son unique répondant au cœur de la création céleste comme terrestre.


André Dumas, Une Théologie de la réalité, Dietrich Bonhoeffer,

Labor et Fides, Genève 1968



une courte méditation


Engourdis le cœur de ce peuple,

appesantis ses oreilles

colle-lui les yeux… 


Envoyé pour empierrer les cœurs, fermer les oreilles,obscurcir les yeux , porter l’endurcissement à son zénith : voilà qui ne s’invente pas.

Des compresses oui, et des poseurs de compresses, en masse.

Mais devenir cet instrument de Dieu, qui oserait ? Endurcir le peuple, non par haine, mais par amour; non point en opposant à l’infidélité générale la fidélité du messager (je vous l’avais bien dit !), mais entrer dans le jugement du Seigneur, jusqu’à ce que ne subsiste plus que la souche, la racine d’espérance.


Michel Bouttier, Quêtes et requêtes,

Communauté de Pomeyrol, Saint-Étienne du Grès, 1980



 

 

***

3ème étape : IÉsaïe 5,1-7


Avec le chant de la vigne, IÉsaïe s’inscrit dans une thématique qui reviendra plusieurs fois dans les évangiles. La production viticole d’Israël est notamment illustrée par l’épisode des éclaireurs envoyés par Moïse pour explorer la terre promise et qui en reviennent avec une superbe grappe, preuve que, dans ce pays ne coulait pas seulement le lait et le miel (lire Nombres 13,23-24)


1 J’aimerais chanter pour mon ami

le chant de mon ami pour son vignoble.


Mon ami avait un vignoble sur un coteau fertile.

2 Il en travailla la terre,

ôta les pierres

et y planta un cépage de choix;

il y bâtit une tour au milieu,

il y creusa aussi une cuve.

Il espérait produire des raisins,

mais il a produit des fruits puants !


3 Maintenant, habitant de Jérusalem et homme de Juda,

soyez juges, je vous prie, entre moi et mon vignoble !

4 Qu'y avait-il encore à faire à mon vignoble

que je n'aie pas fait pour lui ?

Pourquoi, quand j'espérais produire des raisins,

a-t-il produit des fruits puants ?


5 Maintenant, j’aimerais vous faire savoir

ce que je fais à mon vignoble.

J'en arrache la haie, pour qu'il soit dévore;

j'ouvre une brèche dans sa clôture, pour qu'il soit foulé [aux pieds].


6 Je le réduirai en ruine :

il ne sera plus taillé, ni sarclé;

ronces et épines y pousseront.

Je donne des ordres aux nuages, afin qu'il ne pleuve plus sur lui.


7 Car le vignoble du SEIGNEUR des myriades,[c'est] la maison d'Israël

et l’homme de Juda,le plant qu'il chérissait.

Il espérait la justice, et voici l’injustice !

Le fruit, et voici le bruit !


(d’après la Nouvelle version Segond)

remarques sur la traduction faite lors de notre visio-conférence du 21 octobre 

 le v. 7 qui est superbe : "L'homme (un "collectif" sans doute) de Juda était le plant (qui le remplissait) de plaisir". Arrivent alors deux jeux de mots intraduisibles, que je rends (maladroitement) :

"Il espérait le droit,   et voici ce fut le passe-droit ;

la droiture, et ce fut l'injure".

Daniel Lys traduit :  "Il espérait l'éthique,  ce fut la clique ; le droit,  et voici le cri d'effroi", etc…

Le jeu de mots est souvent plus important que le sens, plus exactement il rend bien plus évident et plus éclatant, le sens. C'est pourquoi il doit être traduit en priorité, quitte à n'être qu'un à-peu-près.

 

 

 questions

Dans ce poème qui parle de qui et de quoi ? 

Il y a deux ou trois personnes qui prennent la parole dans ce poème. La première introduit le chant et invite les assistants à l'écouter. Il se met alors à raconter l'histoire d'un vigneron. La seconde est le vigneron lui même qui s'adresse aux habitants de Jérusalem et de Juda, leur demandant de juger : nous sommes dans le registre du droit. Puis sans attendre de réponse le même vigneron annonce les mesures qu'il va prendre à l'encontre de sa vigne. Le troisième intervenant prend alors la parole (v. 7) et donne le sens de ce qui vient d'être raconter en identifiant le vigneron au SEIGNEUR (YHWH) et la vigne à la maison d'Israël.    

Que pensez-vous de la manière dont le vigneron s’investit dans l’exploitation de sa vigne ?Cela explique-t-il sa colère à la fin du poème ? 

 L'histoire est racontée de manière à ce qu'on s'identifie au vigneron. Alors certe, ce dernier se donne beaucoup de mal, mais pour les auditeurs de cette chanson (peut-être reprise du répertoire populaire en ce qui conerne sa première partie), sa persévérance peut-être admirable n'est pas extraordinaire. Seul indice peut-être qui attire l'attention la construction d'une tour au milieu de la vigne.  S'il y a de la colère sdans ses propos, il y a surtout de la déception que l'auditeur est amené à partager.

Finalement que décide-t-il de faire ? Va-t-il arracher les pieds de vigne pour planter du blé ? Comment interprétez-vous sa décision ? 

Il faut souligner que le vigneron ne fait rien qui soit directement dirigé contre la vigne mais il arrête de faire ce que jsuqu'alors il faisait et qui était profitable à la vigne : il arrache la haie qui la protégeait (la haie mai pas les ceps), il ouvre de brêches dans la clôture, ne la taille plus ni ne la sarcle et ordonne aux nuages de ne plus l'arroser. D'autres ennemis de la vigne vont alors prendre le relais en la foulant aux pieds et en l'envahissant comme les ronces et les épines. On peut ici faire le rapprochement avec les différents fléaux qui viennent empécher les graines de pousser dans la parabole du semeur.

La situation du Royaume de Juda telle que nous l’avons évoquée lors des précédentes étapes transparaît par moment dans le poème. Que laisse-t-il entendre de l’attitude du Seigneur envers on peuple ? 

Dans les textes que nous avons lu précédemment (étapes 1 et 2), la question de l'envoyé de Sennachérib "en quoi / en qui mets-tu ta confiance ?" s'adressait au roi comme au lecteur mis dans la situation du roi de prendre la décision de se soumettre ou de refuser d'être le vassal de l'Assyrie. Dans le v. 7 de notre texte l'auteur esquisse un début de comparaison entre l'histoire de la vigne et celle de Juda avec son Dieu. Mais il va pas jusqu'à annoncer le dénouement de l'histoire. Déjà dans le cours de la parabole, on ne dit pas que le vigneron met en œuvre les mesures qqu'il dit avoir décidé à l'encontre de la vigne. L'auditeur peut donc supposer qu'il s'est ravisé. Dans l'explication du v. 7, ces menaces ne sont pas transposées dans le cadre de la relation de Dieu avec son peuple. On s'arrête à la déception du Seigneur devnt la piêtre qualité des fruits et l'absence de Justice en Juda. C'est au destinataire de ce discours d'en tirer lui-même les conclusions.    

Qu’est-ce que l’auteur préconise pour sortir de la crise ? Qu’en pensez-vous ?

 Je retranscris ici la réflexion du pasteur Jea-Serge Kinouani  (vallée de l'Eyreux O7) qui rapproche ce texte sur la vigne féconde et la prabole du figuier figuier stérile dans l'évangile de Luc : 
Deux tares bien distinctes sont notifiées respectivement dans les textes isaïen et lucanien : les raisins infects et l’infécondité du figuier.
 Le texte du prophète fait mention de la vigne qui est bien féconde. Le vigneron espérait trouver des raisins (‘anâbhîm) mais il n’y récolte que de fruits infects (be’ûshîm).
Deux pistes s’offrent au lecteur pour traduire le terme hébreu be’ûshîm, ce qui donnerait du coup deux interprétations possibles.
Premièrement, be’ûshîm signifie « fruits mauvais » ou « fruits puants », car le substantif dérive de la racine hébraïque b’sh littéralement « puer », « sentir mauvais ». Cette traduction dénote l’idée de quelque chose qualifiée de putréfaction ou de pourriture.
Deuxièmement, le pluriel be’ûshim peut aussi être traduit par « grappe de raisins verts », « verjus » (ce liquide acide extrait des raisons n’ayant pas encore mûris). Avec ce deuxième sens, la prophétie isaïenne évoque une vigne féconde dont les fruits ne sont pas encore mûrs.

A la suite de ces deux traductions, force est de constater que le texte isaïen semble fustiger le comportement immature et irresponsable des fils d’Israël. A celui qu’on a tout préparé en conséquence (la terre travaillée, les pierres ôtées, le cépage de choix y a été planté), de bons résultats lui sont exigés.

Avec le texte lucanien, il n’est plus question de la qualité des fruits, mais de l’infécondité du figuier. A la différence du texte d’Esaïe, rien n’est dit sur le propriétaire de la vigne, notamment sur ses compétences en arboriculture. La parabole n’est pas explicite en ce qui concerne les raisons de la stérilité du figuier. Mais en sortant de l’intrigue et tenant compte de ce qui précède (vv.1-5), les raisons de l’infécondité paraissent évidentes : le peuple demeure dans le péché et ne fait preuve d’une vraie conversion (v.3). Ce comportement immoral empêche de porter des fruits.

Allégoriquement, ces textes questionnent sur ce que Dieu attend de notre spiritualité, c’est-à-dire une présence au quotidien qui apporte aux autres joie, bonheur, amour, paix et tout acte susceptible de féconder nos relations fraternelles. Ces fruits sont les résultats d’une mise en œuvre du mishpat (l’équité ou le droit) et de la tsedaqah (justice). Dieu attend de nous les œuvres d’une spiritualité à laquelle il prend plaisir (qu’il chérit). C’est exactement le sens du terme sha’awhoua‘yw, littéralement « son plaisir » ou « son délice » (v.7).
        
Dieu ravageur ou usant de patience ?
Les deux textes dévoilent le projet destructeur de Dieu. La plante est prête à être dévorée, plus de clôture garantissant sa sécurité ; sa ruine n’est qu’une question de temps pour qu’elle soit foulée aux pieds. Le texte lucanien brandit une grande menace : couper le figuier qui épuise la terre en vain (v.7). Ce verset fait écho à une logique déjà rencontrée dans le discours de Jean-Baptiste : « Tout arbre incapable de produire de bon fruit sera coupé et jeté au feu » (Lc 3,9).

Au-delà du caractère violent que recèlent ces textes, rien ne peut estomper l’image d’un Dieu qui n’exige que la repentance de son peuple. Ils ne traduisent non plus la théologie de la peur, mettant en exergue un Dieu menaçant et prêt à détruire son peuple.
L’amour de Dieu peut se révéler dans sa colère. Usant parfois de patience pour attendre notre conversion, il donne une seconde chance aux inconvertis de produire les fruits escomptés pour ne pas être « coupé ».
La rétribution divine n’exclut pas l’idée d’une christologie qui nous enseigne sur la compassion de Dieu. C’est effectivement ce que Luc rappelle ailleurs en stipulant que le Seigneur n’est pas venu pour les justes, mais pour les pécheurs afin qu’ils changent d’attitude (Lc 5.32).

 

 


 

                                Peinture égyptienne dans une tombe, vers 1500 avant notre ère



Sur ce fragment de papyrus d'une dizaine de cm de long une inscription en hébreu ancien est bien lisible. On peut la traduire ainsi : “ de la servante du roi, de Na’arat, jarres de vin Jérusalem”.  Il pourrait s'agir d'un bordereau de livraison pour des jarres de vins à destination de Jérusalem, rédigé par une fonctionnaire royale. La datation au carbone 14 prouve que le support date du VIIème siècle avant notre ère (époque d’IÉsaïe). Ce serait alors le document le plus ancien écrit en hébreu et mentionnant Jérusalem retrouvé à ce jour. Mais ce papyrus n’a pas été trouvé dans une fouille officielle. Il proviendrait du pillage d’une grotte du désert de Juda et a été saisi dans l’officine d’un marchand d’antiquités qui espérait sans doute en tirer un bon prix. Or on sait que des faussaires ont pu, par le passé, fabriquer de fausses inscriptions sur des supports très anciens. Il se pourrait alors que, sur un très vieux morceau de papyrus, un scribe d’aujourd’hui ait écrit, en imitant des inscriptions anciennes, quelques mots et créé ainsi un très précieux (faux) document …







Pour en savoir un peu plus sur cette découverte et sur le débat qu’elle a occasionné : http://areopage.net/blog/2016/10/27/le-papyrus-de-jerusalem-much-ado/


une réflexion théologique :

Le poème d’IÉsaïe 5 laisse entendre que si le SEIGNEUR Dieu retire à Israël son appui, le pays ne pourra pas face aux nombreux ennemis qui le menacent. Il faudrait alors suivre la Thora donnée par Dieu pour bénéficier de son appui. En 1987, le jésuite Paul Valadier critiquait l’idée que Dieu serait le fondement stable de l’ordre du monde :


En ce Dieu utile à la stabilité du monde, est-il possible de reconnaître le Dieu de Jésus-Christ ? Il y a grand risque d’abord que si l’on découvre qu’après tout la société gagne en vitalité à ne pas s’assurer d’un fondement stable, on ne sache plus que faire de ce Dieu soit-disant nécessaire. Ne prépare-t-on pas ainsi les voies de l’athéisme ? Or la tradition biblique ouvre à un rapport avec Dieu diamétralement opposé à celui-là. Dieu n’est pas rapporté à l’homme comme un espèce d’étai nécessaire, mais c’est l’homme qui trouve bonheur et plénitude à le reconnaître pour ce qu’il est et tel qu’il est. Dieu y est décrit en termes de prévenance, d’initiative gracieuse, de surabondance, de don sans retour ni raison. Il ne sert pas à stabiliser le cosmos ni l’histoire; à l’inverse, ce sont le cosmos et l’histoire qui trouvent sens à chanter le créateur. L’homme est créé pour honorer et glorifier Dieu; la conversion que suppose l’entrée dans ce rapport juste, consiste à se défaire inlassablement de toute tentative de rapporter Dieu à soi ou d’en faire un élément nécessaire au monde. Dieu vaut par lui-même et pour lui-même, non en ce qu’on puisse le faire entrer dans une relation intéressée.


Paul Valadier, L’Église en procès, Flammarion, Paris 1987


À votre avis, est-ce que le poème d’IÉsaïe s’inscrit dans une vision d’un Dieu garant de l’ordre mondial ?

Est-ce l’analyse de Paul Valadier pourrait nous aider à mieux lire ce texte ? Comment ?


Seigneur, aide-moi; soigne-moi dans ma faiblesse, ma pauvreté.

Tu as plongé dans mon épaisse boue pour me repêcher,

moi le blessé, l'ignorant, le perdu.

Que faire sans toi ?

Voici venir ta reconstruction, la colonne vertébrale redressée.

Comme l'oiseau lavé de la marée noire,

reconsidéré, appelé à prendre son vol avec de timides ailes,

va, remonte au soleil et porte témoignage.


Amen.


prière attribuée à l’acteur Mickaël Lonsdale





dessin d'Ivan Steiger


 

2ème étape IÉsaïe 38,1-8. 21-22; 39

le texte biblique :

38 1 En ces jours-là, Ezékias fut atteint d'une maladie mortelle.

Le prophète IÉsaïe, fils d'Amots, vint le trouver et lui dit : “ Ainsi parle le SEIGNEUR : Donne des ordres à ta maison, car tu vas mourir, tu ne survivras pas. ”

2 Ezékias tourna son visage contre le mur et pria le SEIGNEUR. 3 Il dit : “ Ah ! SEIGNEUR daigne te souvenir que j'ai marché en ta présence avec loyauté et d'un cœur intègre et que j'ai fait ce qui est bien à tes yeux. ” Ezékias versa d'abondantes larmes.

4 La parole du SEIGNEUR fut adressée à IEsaïe : 5 “ Va et dis à Ezékias : Ainsi parle le SEIGNEUR, le Dieu de David ton père : « J'ai entendu ta prière et j'ai vu tes larmes. Je vais ajouter quinze années au nombre de tes jours. 6 Je te délivrerai, ainsi que cette ville, des mains du roi d'Assyrie. Je protégerai cette ville. » 7 Et voici pour toi, de la part du SEIGNEUR, le signe que le SEIGNEUR fera ce qu'il a dit : 8 « Voici que, sur les marches de l’escalier d'Akhaz, je vais faire reculer l'ombre qui est déjà descendue : elle reculera de dix marches. » ”

Et le soleil remonta l’escalier de dix marches qu'il avait déjà descendues.

[…]

21 IÉsaïe dit : « Qu’on apporte un gâteau de figues et qu’on l’applique sur les tumeurs. » Et le roi guérit. 22 Et Ezékias dit : « Quel sera le signe que je pourrai monter à la Maison du SEIGNEUR ? »

39 1 À cette époque, le roi de Babylone, Mérodak-Baladan, fils de Baladan, apprit qu'Ézéchias avait été malade et qu'il était rétabli. Il lui envoya des ambassadeurs, porteurs d'une lettre et d'un cadeau. 2 Ézéchias en fut très heureux puis il leur fit voir l'endroit où il gardait son trésor, l'argent, l'or, les parfums et les huiles précieuses, les objets de valeur et tout ce qui se trouvait dans son trésor. Il n'y eut rien qu'Ézéchias ne leur fit voir, ni dans son palais, ni dans l'ensemble de son domaine.

3 Après cela, le prophète IÉsaïe vint trouver le roi Ézéchias et lui demanda : « Que t'ont dit ces gens ? Et d'où venaient-ils ? »

- « Ils venaient d'un pays lointain, de Babylone », répondit Ézéchias.

4 Ésaïe reprit : « Et qu'ont-ils vu dans ton palais ? »

- « Ils ont vu tout ce qui s'y trouve, dit Ézéchias ; il n'y a rien que je ne leur aie montré de mes trésors. »

5 Alors IÉsaïe dit à Ézéchias : « Écoute ce qu'annonce le Seigneur de l'univers : 6 “Les jours viennent, où tout ce qui se trouve dans ton palais, tout ce que tes prédécesseurs ont amassé jusqu'à ce jour, sera emporté à Babylone. Il n'en restera rien ici, déclare le Seigneur. 7 On emmènera même certains de tes propres fils, que toi tu as engendrés, pour être eunuques dans le palais du roi de Babylone.” »

8 Ézéchias dit à IÉsaïe : « La parole du Seigneur que tu m'as adressée est une bonne chose. » Et il se disait : « Tant que je serai en vie, nous aurons la paix et la sécurité. »

(d’après la Traduction œcuménique de la Bible)


quelques questions et autant  de réflexions


Quel sens a pour vous le signe donné par le Seigneur au roi Ézéchias ?

on peut plusieurs lectures de ce signe qui en tant que tel doit être interprété.

Tout d'abord, en lien avec le contexte de la guérison du roi à qui dans un premier temps le prophète avait annoncé qu'il devait bientôt mourir , il s'agit d'un délai qui lui est accordé. Mais on peut noter que ce délai n'est que temporaire : l'ombre  va bientôt regagner la totalité de l'escalier (s'il s'agit d'un escalier ) ou du cadran solaire (autre hypothèse de lecture). 

On peut aussi se rappeler du texte de Josué 10,12-14, qui rapporte la bataille de Gabaon. Ce jour pour les Hébreux puissent remporter une victoire encore plus complète et à la suite de la prière de Josué, le Seigneur fait reculer le soleil dans le ciel.Cette histoire concerne la "conquête" de la terre promise après la traversée du Sinaï qui fait suite à la sortie d'Égypte. Avec Ézéchias nous sommes à l'autre bout de l'histoire d'Israël et de Juda qui court dans la Bible du livre de Josué à celui de 2 Rois d'où est tiré cet épisode retranscrit dans le livre d'IEsaïe. La parenté des deux signes fait donc qu'ils se répondent et forment comme une inclusion. Sur le plan théologique, on peut y lire l'affirmation que le dieu de Josué est aussi celui d'Ézéchias et d'IÉsaïe mais la situation n'est plus la même. Israël / Juda n'est plus l'envahisseur mais l'envahi (par les Assyriens)

Une troisième lecture peut renvoyer au texte de IÉsaïe 7 dont l'action se situe au même endroit mais  où le rois Achaz refuse le signe que lui propose le prophète… nous lirons ce texte dans le cadre de la 5ème étape de notre parcours. 

Que pensez-vous du personnage d’Ezéchias ?

Même s'il fait partie des 3 rois (avec David et Josias) qui trouvent grâce aux yeux des rédacteurs de l'histoire deutéronomistes qui s'expriment dans les livres de Rois, Ezéchias est loin d'être parfait. Ici il semble plus préoccupé de lui-même que du sort de son peuple. Ayant obtenu un délai des 15 ans, soit un an de plus que le nombre de ses années de règne au moment des faits, il est reconnaissant pour la paix et la sécurité qui lui sont accordés mais ne s'inquiète pas de ce qui suivra. Il est vrai qu'il n'est pas redevable de ce qui se passera après sa mort… 

Cette attitude dit aussi quelques chose de la précarité de la situation de Juda face à la menace assyrienne. 15 ans de paix et de sécurité peuvent paraître inespérés pour le roi de Juda. 

Pour l’exégète J. Vermeleyn, Ézéchias est le souverain fidèle, le digne fils de David (38,6). On peut au contraire souligner la fragilité et les limites de sa foi qui se traduit par la demande réitérée de signes. Il écrit aussi : “La maladie et la guérison d’Ezéchias représentent l’histoire du peuple de Yhwh, dont il est question tout au long du livre. L’épisode se trouve au centre de l’ouvrage et ce ne peut être par hasard.” 

Ce texte se trouve donc au centre de l'ensemble du livre actuel de IÉsaïe et plus particulièrement le psaume d'action de grâce (voir ci-dessous). Aussi on peut le lire — et c'est encore plus vrai pour le psaume — non pas comme l'expression d'un individu mais comme celle d'Israël qui à travers les vicissitudes de l'histoire et notamment malgré la destruction de Jérusalem et de son temple. Le texte proclame, c'est pas ta bonté que je jouis de la vie. Ainis le livre d'IÉsaïe apparaît comme ceux de Jérémie et d'Ézéchiel, mais différemment, comme une tentative de réponse à la question de l'exil, question qui se pose à tout croyant qui se vit aussi comme exilé du jardin d'Eden et bénéficiaire de la grâce qui permet de vivre. 

Comment comprenez-vous sa parole au prophète (39,8) ? Sa réponse ne dénoterait-elle pas une absence de réflexion à long terme ?

Ezéchias ne fait pas exception. Comme tous ceux et celles qui exercent des responsabilités politiques il lui faut gérer le quotidien snas oublier d'envisager le long terme. Ici, il semble bien que le long terme ne soit pas le premier souci du roi. On peut y voir un image de ce qui se passe aujourd'hui dans bon nombre de nos pays. On peut aussi lire dans ce propos du roi la reconnaissance pour ce qui est donné aujourd'hui et à notre tour être reconnaissants pour ce qui nous est donné de vivre tout en agissant pour que nos prochains avec qui nous partageons déjà la planète bleue puissent eux aussi en percevoir la beauté et le fragile équilibre.



une réflexion théologique :


Nous préparons ce dossier au moment où sévit la guerre d’invasion russe contre l’Ukraine, les paroles d’IÉsaïe, invitant le roi Ézéchias à renoncer aux calculs et aux alliances politiques pour s’appuyer sur Dieu seul, suscitent un certain désarroi. Pour ouvrir un débat sur notre responsabilité d’humain dans la construction du monde et de l’histoire, sur ce à quoi nous engage individuellement et collectivement une demande de paix, nous vous proposons un extraits de la méditation du pasteur Roland de Pury, paru à Noël 1943 dans le courrier clandestin du Témoignage Chrétien (cf. La résistance spirituelle 1941/1944, ed. Albin Michel)


« … Quand donc apprendrons-nous qu’un chrétien est précisément un homme qui demande mieux que la paix, qui demande la justice avant la paix ? Quand donc lirons nous l’Écriture avec une attention suffisante pour y découvrir non pas des confirmations à nos besoins de paix charnelle, mais un appel à la justice qui pulvérise notre sécurité et fasse lever le jour d’une tout autre paix, celle du Royaume de Dieu, celle qui n’est qu’un fruit de la justice de Dieu ?…

La paix promise, la paix de Noël qui fait battre le cœur de l’Église n’a rien à voir avec celle dont rêvent les hommes et qu’en particulier leur propose l’ordre nouveau. Elle constitue plutôt une lutte implacable contre la consécration de la violence, un refus total de consentir au triomphe de l’injustice et à l’étouffement de la liberté…

Le droit et la justice, un égal respect de la dignité et de l’honneur de toute créature sont devenus la condition absolue de toute paix pour un chrétien … »


Voici le poème que le roi Ézéchias de Juda aurait composé après sa maladie et sa guérison :


Je me disais : je n'ai vécu que la moitié de ma vie, et je dois déjà m'en aller !

Je vais devoir passer dans le monde des morts les années qui me restaient à vivre.

Je me disais encore : Je ne verrai plus le Seigneur sur la terre des vivants,

ni aucun être humain dans le monde habité.

L'abri où je vis est arraché, emporté loin de moi, comme une tente de berger.

Ma vie est au bout du rouleau,

comme une pièce de tissu que le tisserand enroule après avoir tranché les fils.

Avant le soir, Seigneur, tu en auras fini avec moi.

Et d'ici le matin, je serai réduit à rien.


Comme un lion, le Seigneur a broyé tous mes os.

Avant ce soir, Seigneur, tu en auras fini avec moi.

Mes cris sont perçants comme ceux de l'hirondelle,

et mes gémissements plaintifs comme ceux de la tourterelle.

Mes yeux n'en peuvent plus de regarder vers les cieux.

Dans mon accablement, Seigneur, fais quelque chose pour moi !


Mais que dirai-je, pour qu'il me parle, puisque c'est lui qui agit ?

Je dois traîner toutes mes années dans l'amertume.

Seigneur, tu restes auprès des tiens,tu les fais vivre et ton esprit les anime.

À moi aussi tu as rendu des forces, tu m'as gardé en vie.


Maintenant mon amertume s'est changée en bonheur,

car tu m'as aimé assez pour m'éviter la mort ;

tu as jeté toutes mes fautes loin derrière toi.

Dans le monde des morts, personne ne te loue ;

ce ne sont pas les cadavres qui peuvent t'acclamer.

Quand on descend dans la tombe, il est trop tard pour espérer en ta fidélité.


Mais ce sont les vivants seuls qui peuvent te louer, comme moi aujourd'hui,

et comme les parents qui feront connaître à leurs enfants combien tu es fidèle.

Seigneur, tu m'as sauvé.

Nous te louerons donc en musique tous les jours de notre vie,

dans ta maison, Seigneur.

 

(IÉsaïe 38,9-20 traduction Nouvelle Bible en Français courant )



 





1ère étape - IÉsaïe 36.1-10.22; 37,1-2.5-6.15-20


Les chapitres 36 à 39 du livre d’IEsaïe résultent de l’insertion à la suite de l’exil à Babylone d’extraits du 2ème livre des Rois et du 2ème livre des Chroniques. Commençant avec l’évocation de la menace assyrienne (chapitres 36 et 37), ils débouchent avec l’ambassade babylonienne sur l’annonce de la grande déportation à Babylone (chapitre 39). Entre les deux, l’histoire du roi Ezéchias, est associée à la promesse de délivrance de Jérusalem (chapitre 38). Ces textes font le lien entre les deux grandes parties du livre d’IÉsaïe. Ils disent aussi un peu de la visée des éditeurs de cet ouvrage en mettant en perspective les oracles de prophètes ayant vécu avant et après l’exil à Babylone. Ils forment donc une bonne introduction à cet ensemble et nous immergent dans la situation historique du petit Royaume de Juda face aux empires qui vont dominer le Proche Orient ancien, qu’ils soient assyrien, babylonien ou perse. L’histoire se passe aux alentours de 701 avant notre ère. L’empire assyrien est au sommet de sa puissance.



361 Mais il arriva que la quatorzième année du roi Ezéchias, Sennachérib, roi d'Assyrie, attaqua toutes les villes fortes de Juda et les prit. 2 Le roi d'Assyrie envoya de Lakish à Jérusalem, vers le roi Ezéchias le chef d'intendance, avec une puissante armée. Celui-ci se plaça à l'aqueduc du réservoir supérieur, sur la route du Champ du Teinturier 3 Alors Eliaqim, fils de Hilqiya, l'intendant de la maison, sortit vers lui avec Shebna, le scribe, et Yoah, fils d'Asaph, l'archiviste. 

4 Le chef d'intendance leur dit : “ Dites, je vous prie, à Ezéchias : Ainsi parle le grand roi, le roi d'Assyrie : En quoi donc as-tu placé ta confiance ? 5 Je te le dis, ce sont des paroles en l'air qui te tiennent lieu de plan et de force pour la guerre ! Et maintenant, en qui donc as-tu mis ta confiance, pour te rebeller contre moi ? 6 Tu as mis ta confiance dans le soutien de l'Égypte, ce roseau cassé qui pénètre et transperce la main de quiconque s'appuie dessus : tel est Pharaon, roi d'Égypte, pour tous ceux qui mettent leur confiance en lui. 7 Peut-être me diras-tu : << C'est dans le SEIGNEUR, notre Dieu, que nous avons mis notre confiance >> Mais n'est-ce pas justement ses hauts lieux et ses autels qu'Ezéchias a supprimés, en disant à Juda et à Jérusalem : << C'est devant cet autel que vous vous prosternerez ! >> 8 Maintenant fais, je te prie, un pari avec mon maître, le roi d'Assyrie : je te donnerai deux mille chevaux, si tu peux trouver des cavaliers pour les monter. Comment repousserais-tu un seul officier d'entre les moindres hommes de mon maître ? C'est dans l'Égypte que tu mets ta confiance en ce qui concerne les chars et les attelages ! 10 D'ailleurs, est-ce indépendamment du SEIGNEUR que j'ai attaqué ce pays pour le détruire ? C'est le SEIGNEUR qui m'a dit : << Attaque ce pays et détruis-le. >> ” […] 

22 Eliaqim, fils de Hilqiya, l'intendant de la maison, Shebna, le scribe, et Yoah, fils d'Asaph, l'archiviste, vinrent trouver Ezéchias, les vêtements déchirés, et lui rapportèrent les paroles du chef d'intendance. 

37 1 Lorsque le roi Ezéchias eut entendu cela, il déchira ses vêtements, se couvrit d'un sac et se rendit à la maison du SEIGNEUR. 2 Il envoya Eliaqim, l'intendant de la maison, Shebna, le scribe, et les anciens des prêtres, couverts d'un sac, chez IÉsaïe, fils d'Amots, le prophète.[…]

5 Les ministres du roi Ezéchias allèrent donc auprès d'IÉsaïe. 

 6 IÉsaïe leur dit : ” Voici ce que vous direz à votre maître : < Ainsi parle le SEIGNEUR : " N'aie pas peur des paroles que tu as entendues, de ces injures que les serviteurs du roi d'Assyrie ont proférées contre moi. 7 J'envoie sur lui un souffle : je lui attribue un souffle : il entendra quelque chose qui le poussera à retourner dans son pays, et je le ferai tomber par l'épée dans son pays." > ” […]

15 Ezéchias pria le SEIGNEUR. Il dit : 16 “ SEIGNEUR des Armées, Dieu d'Israël, qui es assis sur les keroubim, c'est toi seul qui es Dieu pour tous les royaumes de la terre, c'est toi qui as fait le ciel et la terre. 17 SEIGNEUR, tends l'oreille et entends ! SEIGNEUR, ouvre les yeux et vois ! Écoute toutes les paroles que Sennachérib a envoyées pour outrager le Dieu vivant ! 18 Il est vrai, SEIGNEUR, que les rois d'Assyrie ont réduit en ruines tous les pays et leur propre pays,19 en jetant leurs dieux au feu (en fait, ceux-là n'étaient pas des dieux, mais l'œuvre de mains humaines, du bois et de la pierre) et ils les ont anéantis. 20 Maintenant, SEIGNEUR, notre Dieu, sauve-nous de la main de Sennachérib; que tous les royaumes de la terre sachent ainsi que, toi seul, tu es le SEIGNEUR ! ”

(traduction d’après le Nouvelle Bible Segond)



- Dans ces récits qui parle et qui fait parler qui ? Que disent-ils savoir et que savent-ils ? 

=>  un des principaux protagonistes est dans la traduction proposée ici appelé le chef d'intendance (proposition de la Nouvelle Bible Segond). L'hébreu le désigne comme étant Rab shaque ce que littéralement il faudrait traduire "gand échanson". Ce terme pourrait renvoyer au fait qu'il s'agit d'un intime du roi assyrien, celui qui a l'honneur de lui apporter sa boisson. Dans le récit du chapitre 36, ce personnage vient comme verser sur les les habitant de Jérusalem le flot de la propagande assyrienne. Il parle au nom de son roi mais il fait aussi parler le roi de Jérusalem, Ézéchias (v. 7) et même le dieu d'Israël. Il fait les questions et les réponses. Il paraît tout savoir et bénéficier de révélations divines. C'est par lui que le lecteur peut imaginer le débat intérieur qui agite Ézéchias sans pour autant que ce discours soit étayé par des éléments du récit. Son propos laisse entendre qu'il est tout à fait au courant des débats qui parcourent voire divisent la société judéenne. On sait qu'en effet Ezéchias a entrepris une grande réforme religieuse visant à centraliser le culte et à ne permettre les sacrifices que dans le cadre du temple de Jérusalem (2 Rois 18,3-5). Les fouilles archéologiques des sites de Lakish, Arad et Beersheva semblent confirmer cette information : on y trouve des traces de sanctuaires locaux abandonnés, semble-t-il au cours du VIIIème siècle (voir le livre de I. Finkelstein et NA Silbermann, Les rois sacrés de la Bible, folio, 2006 , p. 341-344). Or, une telle réforme a sans doute suscité une opposition ne serait-ce que de la part des prêtre locaux et autres lévites desservant les hauts lieux délaissés. Dans son discours, le Grand échansson se fait, au nom du roi assyrien, le porte parole de ces gens et même de YHWH qui désapprouverait l'initiative du roi.    

Pourquoi, à votre avis, les représentants judéens ne répondent-ils pas à l’émissaire du roi d’Assyrie ?

=> le roi Ézéchias ne se rend pas lui-même au devant de l'envoyé du roi assyrien mais il dépêche trois personnages : le chef du palais, un scribe et quelqu'un chargé de faire se souvenir ( d'où la traduction par "archiviste"). Ils n'ont, semble-t-il, pas de mandat leur permettant de répondre à l'envoyé assyrien. Le roi, de son côté paraît humble, désorienté mais fidèle, à ce moment très difficile à l'alliance avec son dieu. Il demande l'avis du prophète.

d'un point de vue du récit, le silence des représentants du roi de Jérusalem permettent au lecteur d'imaginer la réponse que lui-même aurait fait à l'ultimatum assyrien.

- À votre avis qu’aurait dû faire le roi de Jérusalem : se soumettre ou résister en comptant sur le secours du Seigneur ?

- Y-a-t-il un personnage de cette histoire auquel vous pouvez vous identifier ? Pourquoi ? Que vous apporte cette histoire ?

d'une certaine manière le lecteur est placé dans la situation du roi Ézéchias pris entre les menaces du roi assyrien et les recommandations du prophète IÉsaïe . Lui aussi —nous aussi– se trouve pris entre deux paroles et parfois entre deux attitudes possible : ne tenir compte que des données "objectives" qui souvent nous poussent à nous replier sur nous-même et à désespérer des humains et de l'histoire ou espérer malgré tout et nus en tenir à l'interpellation de l'évangile pour ouvrir nos vies à un souffle différent et envisager de faire confiance et de vivre une liberté plus vaste. C'est ce qu'illustre le récit biblique en mettant en parallèle le porte-parole du roi assyrien, le grand échanson qui prône la soumission et le prophète qui parle au nom du Seigneur, le seule Grand roi de l'histoire et du monde.      


ces éléments de réponse vous ont-ils aidé ? Si vous souhaitez réagir, merci de poster un commentaire dans l'espace prévu à cet effet dans le blog.




Extrait du bas-relief illustrant la prise de la forteresse judéenne de Lakish. Il représente des prisonniers prosternés devant le roi Sennacherib. Ce sont des judéens contemporains d’IÉsaïe. Ils sont à genoux, ce qui correspond exactement à l’attitude exigée, selon le texte biblique, par le représentant du roi assyrien : “ faites envers moi une génuflexion et sortez vers moi ” (traduction littérale de IÉsaïe 36,16).

Palais sud-ouest de Ninive ville moderne de Mossoul (Irak) actuellement exposé au British Museum de Londres


une réflexion théologique :

Pour beaucoup, la foi implique une rupture avec les logiques humaines, un saut dans l’irrationnel, l’acceptation de mystères inexplicables. Une célèbre formule de Pascal oppose le « Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob » au Dieu « des philosophes et des savants ». Dans cette perspective, certains croyants ont disqualifié la rationalité et l’ont déclaré inapte à saisir ce qui relève du divin. Ils ont demandé à l’intelligence de se soumettre et aux croyants de « s’abêtir », selon un mot terrible du même Pascal. Ils ont fait l’éloge de la « sainte ignorance » et de « la foi du charbonnier ». L’Évangile ne dit-il pas que ces choses sont cachées « aux sages et aux intelligents » et ne proclame-t-il pas « heureux » les « simples d’esprit » ? […]

La foi a certes besoin de ferveur, de conviction, de sentiments et d’émotions. Bien sûr, elle expérimente l’ineffable ou l’inconcevable, et elle respecte le secret ou le mystère de Dieu. Cependant, Jésus nous demande d’aimer Dieu non seulement de tout notre cœur et de toute notre force, mais aussi de toute notre pensée. Loin d’affaiblir et de menacer la foi, la réflexion l’approfondit et la consolide. Elle constitue la meilleure défense contre les extrémismes politiques et les fanatismes religieux qui nous guettent et nous menacent.


André Gounelle, Penser la foi, Van Dieren éditeur, 2006



une prière :


Dieu des clartés merveilleuses et Dieu des mystères!

Je n’ai pas besoin que tu répondes à mes pourquoi,

mais seulement de penser que tu en connais la réponse.

Ignorer n’est pas une torture pour qui est sûr que tu sais.

Je peux fermer mes yeux puisque les tiens sont ouverts.

La nuit près de toi n’est plus la nuit pleine d’effroi

ta tendresse est tissée dans son ombre

et lorsque c’est toi qui te tais,

ton silence est de l’amour autant que ta parole.


(Charles Wagner « Devant le témoin invisible », Paris 1916, éd. Fischbacher 1933)




dessin d'Ivan Steiger


Commentaires

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer
  2. la prochaine étape de ce dossier sera mise en ligne le 21 octobre 2022 après une visio-conférence ouverte à toutes et tous mais plus particulièrement destinée aux animateurs de groupes. Si vous souhaitez participer à cette conférence merci de me contacter à l'adresse jean-pierre.sternberger@protestants.org

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

dossier biblique 2021-2022 : présentation