2- Moïse au désert de Madian

(Exode 2,16-22)


15 Pharaon entendit cette histoire, il voulut tuer Moïse.

Moïse s'enfuit loin de la face de Pharaon. Il s'installa en terre de Madiân. Il s'installa près du puits.

16 Le prêtre de Madiân avait sept filles [gardant le troupeau1]. Elles vinrent. Elles puisèrent. Elles remplirent les auges pour faire boire le troupeau de leur père.

17 Mais les bergers arrivèrent et les chassèrent.

Alors Moïse se dressa, les sauva et fit boire leur bétail.

18 Elles retournèrent vers Réouel, leur père. Il dit : “Pourquoi revenez-vous si tôt aujourd'hui ?”

9 Elles répondirent : “Un homme égyptien nous a délivrées de la main des bergers ; il a même vraiment puisé pour nous et il a fait boire le troupeau.”

20 Il dit à ses filles : “Où est-il ? Pourquoi donc avez-vous laissé là cet homme ? Appelez-le, qu'il mange quelque chose”.

21 Moïse accepta de s'installer chez l'homme,et [ce dernier] donna sa fille Séphora à Moïse.

22 Elle mit au monde un fils, qu'il appela Guershom2 car, dit-il, j'étais un immigré dans un pays étranger.


- comment la situation de Moïse évolue-t-elle entre le début et la fin de ce récit ?

- comment sont décrits les femmes et les hommes actrices et acteurs de ce récit ? Et Moïse ?

- a-t-il puisé l'eau du puits ? Est-ce important ? (voir la note ci-dessous)

- qu'est-ce qui motive l'action de Moïse ?

- à votre avis, la foi et/ou la théologie du rédacteur vient-elle renforcer ou contester les schémas traditionnels relatifs aux rôles des femmes et des hommes ?



Dans la Bible, le fait de puiser de l'eau semble réservé à trois catégories de personnes.

C'est, en premier lieu, une activité largement pratiquée par les femmes ou plus exactement par les filles. C'est ce qu'illustre le récit du mariage d'Isaac en Genèse 24. L'envoyé d'Abraham se tient près du puits de la ville araméenne de Nahor quand sortent celles qui viennent puiser (Genèse 24,11). “ Les filles des hommes de la ville sortent pour puiser” dit-il (v. 13 voir aussi 1 Samuel 9,11). C'est parce qu'elle prend l'initiative de puiser abondamment pour lui que Rebecca est reconnue digne de devenir l'épouse du fils d'Abraham.

En deuxième lieu, la corvée d'eau est assurée par des esclaves dont on doit s'assurer qu'ils ne sont pas descendants d'Israël. C'est ce qu'illustre l'épisode des Gabaonites, réputés d'origine cananéenne selon le récit de Josué 9 (surtout les v. 21,23 et 27 cf. Deutéronome 29,11). Les ouvriers mentionnés en Ruth 2,9 pourraient relever de cette catégorie de personnes.

Exceptionnellement enfin, dans le cadre de cérémonies, des hommes d'Israël sont amenés à puiser de l'eau qui serait offerte en libation à YHWH. C'est le geste mentionné en 1 Samuel 7,6 auquel on peut rattacher l'épisode de 2 Samuel 23,16. On répugne alors, par souci de pureté semble-t-il, de recourir à de l'eau puisée par des femmes ou des étrangers.

Dans le Nouveau Testament seuls puisent des serviteurs (dans l'épisode des noces de Cana en Jean 2) ou la femme samaritaine (Jean 4). 

 

 


 

Moïse défend les filles de Jethro par Rosso Fiorentino (vers 1523, Les Offices, Florence)

Giovanni Battista di Jacopo dit Rosso Fiorentino (soit « [Le] Maître roux [de Florence] »), est un peintre, graveur et décorateur italien né à Florence en 1494 et mort à Paris en 1540. Le tableau était dans un premier temps destiné au roi François 1er.

Moïse serait ici représenté deux fois dans le tableau : au centre en train de frapper les bergers et en haut à gauche, courant vers sa future épouse. Il apparaît ici comme un Hercule antique alors que les filles de Reouel fuient cette violence à l’exception de l’une d’entre elles dont on peut penser qu’il s’agit de Tsiporah.

  • Que pensez-vous de cette illustration du texte ? Vous semble-t-elle fidèle à l’histoire biblique ?

  • Comment caractériser l’attitude des hommes et des femmes qui y sont représenté(e)s ?

  • Quel a pu être le but du peintre en choisissant cet épisode et en le traitant de cette manière ?


texte philosophique contemporain


“Le personnage du cow-boy […] a suscité de nombreuses analyses. Lydia Flem, psychanalyste a décortiqué les différents aspects de la masculinité du cavalier solitaire, venu de nulle part, du justicier au-dessus des lois, "de cet être pur qui ne connaît ni les transformations ni les mélanges… et qui n'a pas atteint le stade de la nuance. Le cow-boy incarne tous les stéréotypes masculins et le western raconte toujours la même histoire d'une poursuite incessante des hommes à la recherche de leur virilité. Le colt, l'alcool et les femmes ne jouent que les rôles secondaires. La relation du cow-boy avec les femmes est silencieuse. Pour les uns cela ne signifie pas une absence de sentiments, mais la difficulté de les exprimer directement sous peine d'y perdre la virilité. D'autres y voient la preuve de l'impuissance affective. Figé dans l'action, le héros viril ne cesse d'affronter les autres hommes.”

Elisabeth Badinter, XY De l'identité masculine, Odile Jacob, Paris 1992




“Triomphe des valeurs de l'héroïsme et de la guerre, le western gomme ou attaque […] à cette image mythique que les hommes veulent posséder d'eux-mêmes. Aussi le western aime-t-il s'attendrir sur l'initiation des hommes en devenir. Soustraits à l'influence de leurs mères, les jeunes gens sont introduits dans la communauté des hommes pour y faire leur apprentissage viril. Il leur faut donner la preuve d'un savoir-faire plus que d'un savoir-être. La question de l'identité masculine s'y pose en termes d'avoir ou de ne pas avoir tous les signes consacrés de la virilité. Par crainte d'en être dépossédé, le héros […] se doit de mettre en jeu cette puissance, cette invulnérabilité, cette perfection orgueilleuse qui le consacrent comme être doué de virilité. Dans une suite vertigineuse de défis, d'épreuves et d'initiations flamboyante, le héros exhibe son héroïsme, l'expose à la recherche d'un écho flatteur…”

Lydia Flem, “ Le Stade du Cow-boy ”, Le Genre Humain, juin 1984

- Moïse aux prises avec les bergers de Madian, héros viril qui se met au service des filles de Réouel, ne ferait-il pas un bon héros de western ?

- À votre avis, pourquoi l'auteur du livre de l'Exode commence-t-il par nous raconter cette histoire de Moïse où il n'est jamais question de Dieu ?

texte poétique :


Un jour les pieds usés par l'asphalte des routes,

Les yeux crevés par les mirages,

La gorge brûlée par les herbes illusoires,

Je verrai me barrant la route apparaître une maison.

Elle sera chaude et douce,

ronde comme un ventre,

les fenêtres brillantes.

De ses portes ouvertes s'échapperont des parfums.

Et je dirai : c'est ma maison […]


Maison-mère,

maison-femme,

maison-fille,

maison-vie

Chacun de tes replis secrètement offerts est un sourire serein.

On y dit peu de mots.

Les regards se suffisent.

Des mains fraîches, en passant, vous caressent le front.

Vous caressent le front,

vous relèvent une mèche

Vous guident vers un lit blanc

dans une chambre fraîche.


Couché dans la pénombre

le temps n'existe plus.

Le présent est tellement présent qu'il efface

le désert de l'attente,

Le chaos des remords.

Fournaise des désirs.

Il vous vient une force à tout recommencer,

Se lever, repartir,

à transformer ces rêves en vraie réalité

Et je dirai : c'est ma maison.



François Béranger


 

 



1-ces mots n'apparaissent que dans la version grecque (Septante) et dans un manuscrit de Qoumran

2-littéralement : “ Immigré là”

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

dossier biblique 2021-2022 : présentation