Le Cantique

des Cantiques



dessin : EMBA (site https://emba-dibujos.tumblr.com)


8 Écoutez ! C’est mon bien-aimé ! Il vient, sautant sur les montagnes, bondissant sur les collines.

9 Mon bien-aimé est semblable à la gazelle, au faon des biches.

Le voici ; il se tient derrière notre mur, il regarde par la fenêtre, il épie par le treillis.

10 Il prend la parole mon bien-aimé. Il me dit : « Lève-toi mon amie, ma belle, et viens !

11 Car l’hiver est passé ; la pluie a cessé, elle s’en est allée.

12 Dans le pays, les fleurs paraissent, le temps de chanter est arrivé,

et la tourterelle se fait entendre dans notre pays.

13 Le figuier forme ses premiers fruits, les vignes en fleurs exhalent leur senteur.

Lève-toi mon amie, ma belle, et viens !


3. 1 Sur mon lit, pendant les nuits, j’ai cherché celui que mon cœur aime ;

je l’ai cherché et je ne l’ai pas trouvé…

2 Je vais me lever, et je ferai le tour de la ville, dans les rues et sur les places ;

je chercherai celui que mon cœur aime… je l’ai cherché et je ne l’ai pas trouvé.

3 Les gardes qui ont fait le tour de la ville m’ont trouvée : Avez-vous vu celui que mon cœur aime ?

4 A peine les avais-je dépassés que j’ai trouvé celui que mon cœur aime ;

je l’ai saisi et ne le lâcherai plus, jusqu’à ce que je l’aie introduit dans la maison de ma mère,

dans la chambre de celle qui m’a conçue.


5. 2 J’étais endormie, mais mon cœur veillait… C’est mon bien-aimé qui frappe :

« Ouvre-moi, ma sœur, mon amie, ma colombe, ma parfaite !

Car ma tête est couverte de rosée, mes boucles, des gouttelettes de la nuit. »

3 J’ai quitté ma tunique : comment la remettrais-je ?

Je me suis lavé les pieds : comment les salirais-je ?

4 Mon bien-aimé a passé la main par l’ouverture, mes entrailles ont frémi à cause de lui.

5 Je me suis levée pour ouvrir à mon bien aimé


Et de mes mains a ruisselé la myrrhe,

De mes doigts, la myrrhe s’est répandue sur la poignée du verrou.

6 J’ai ouvert à mon bien-aimé ;

Mais mon bien-aimé avait tourné le dos. Il était passé.

J’ai défailli à ses paroles.

Je l’ai cherché et ne l’ai pas trouvé ;

Je l’ai appelé, et il ne m’a pas répondu.

7 Les gardes qui ont fait le tour de la ville m’ont trouvée ;

Ils m’ont frappée, ils m’ont blessée,

Ils m’ont enlevée ma mantille, les gardes des murailles.

8 Je vous en adjure, filles de Jérusalem,

Si vous trouvez mon bien-aimé, que lui dire-vous ?

Que je suis malade d’amour.


Après une écoute de ces trois paragraphes,

- relire individuellement et souligner les phrases qui se répètent comme des refrains.

- Repérer les mots qui marquent d’une part la présence ou les invitations à la rencontre et d’autre part des indications d’absence ou de manque de rencontre.

- Relever les moments de veille, de sommeil ou d’évocation de rêve, et les transpositions rêve/réalité (3,3 et 5,7). Que dites-vous du désir de ces amoureux ?




Le cantique des cantiques peint par Marc Chagall

Au musée national Marc Chagall, à Nice, se trouve le « Message biblique » peint en 1960.

Marc Chagall donne une place à part à ce poème, avec une grande liberté dans l’invention des figures et dans le choix des couleurs. Les tons rouges soulignent les mouvements d’amour. Sa liberté est totale dans l’espace pictural, Chagall s’affranchit de la pesanteur comme des échelles de grandeur ou de la perspective. Des êtres oniriques interviennent auprès de personnages bibliques ou ayant trait à son histoire personnelle (ses deux épouses, ses petits enfants, ses lieux de vie…)


Découvrez cette œuvre comme un rêve ou la rêverie d’un amoureux. Considérez les deux couples et les deux villes inversées (Vitebsk, ville du passé avec son juif errant, et St Paul de Vence, sa résidence actuelle). Arrétez-vous sur des éléments de son judaïsme : l’ange avec le shofar, la menorah, mais aussi les enfants, l’acrobate... Comme dans le Cantique, le désir amoureux apparaît entre veille et sommeil, présence et absence, voyez les éléments du corps féminin structurant la composition (seins, pubis).


Quelle interprétation Chagall fait-il de ce cantique ?

« La présence de quelqu’un n’est pas réductible au corps à corps : elle devient possible dans

l’absence même. Dans toute rencontre humaine véritable, l’activité sensorielle qui est de l’ordre du

besoin est le signe de la différence des êtres qu’elle met en présence et qui échappent à

l’appréhension de cette activité même… Ainsi en est-il de l’union sexuelle qui, visant à l’unité

d’une seule chair dans l’éclatement des limites du corps, confirme et consacre la différence des êtres

qui s’aiment. L’éclair d’une telle union… tue la tension du besoin et laisse cependant subsister

l’autre comme irréductible à l’objet d’un besoin : il est autre chose que la chose…. Deux ne font

qu’un qu’à condition de rester deux. »

Denis Vasse, Le temps du désir, Editions du Seuil, Paris, 1997


Denis Vasse, prêtre (jésuite) et psychanalyste, tient à la fois à l’incarnation (c’est par son corps et dans son corps que l’homme rencontre l’autre), et au désir jamais comblé. Vouloir vaincre l’altérité est illusion. L’homme fait l’expérience de la différence avec l’autre, la différence entre le besoin et le désir, entre ce qui se consomme et ce qui se creuse comme un vide ou un appel. Si pour Lacan l’Autre c’est le vide, pour Denis Vasse le « grand Autre » c’est Dieu.

Retrouvez-vous dans le Cantique cette dynamique de l’autre insaisissable, qui nous échappe ?

Que nous apprend le Cantique sur le désir humain ?

Françoise Dolto, psychanalyste, collègue et amie de D.Vasse, a écrit dans l’Evangile au risque de la psychanalyse : « Jésus enseigne le désir et y entraine ». Peut-on en dire autant du Cantique ? En quoi peut-il nous aider à éduquer notre désir, à ne pas se soustraire à son désir en évitant qu’il s’enlise dans la répétition, peut-il nous aider à ne pas nous tromper de désir ?


le chant entre l’âme et l’époux.


“ Où t’es-tu caché, Bien-Aimé,

Me laissant toute gémissante ?

Comme le cerf tu t’es enfui,

m’ayant blessée ; mais à ta suite,

En criant, je sortis.

Hélas, vaine poursuite.

Explication : dans cette première strophe l’âme éprise d’amour pour le Verbe, Fils de Dieu, son

Époux, aspirant à s’unir à lui par la vue claire de son essence, lui expose ses amoureuses angoisses

et lui reproche son absence…”


Jean de la Croix (mystique du XV°siècle), Cantique spirituel,


Aujourd’hui il n’est sans doute plus nécessaire d’allégoriser le cantique pour le reconnaître comme un livre biblique, et nous sommes sortis du dilemme formulé par Renan : « si le cantique n’est pas un livre mystique, il est un livre obscène ».

Avec Anne-Marie Pelletier nous pouvons reconnaître que « le sens du cantique n’a pas à être cherché au-delà des mots qui expriment le désir mutuel d’un homme et d’une femme… Le cantique ne raconte pas l’amour, il le laisse parler, s’épancher dans un grand dialogue lyrique qui chante la beauté des corps et la bonté de la rencontre, corps et âme… On peut espérer apprendre auprès de lui ce que la Bible pense de l’amour. »


« Il s’agit de vivre pleinement éros à la façon dont Dieu nous enseigne à aimer, dans une libre et réciproque relation de vis à vis. »

Daniel Lys


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